City Life

 Commande de l'œuvre
 Steve Reich, à propos de City Life
 Analyse de l'œuvre
 Articles de presse
 Différents enregistrements existants




Commande de l'œuvre

 

City Life est une commande conjointe de l'Ensemble Modern, du London Sinfonietta et de l'Ensemble InterContemporain.
La création mondiale a été donnée par l'Ensemble InterContemporain placé sous la direction de David Robertson à l'Arsenal de Metz le 7 mars 1995.



Steve Reich, à
propos de City Life 

 

" L'idée selon laquelle n'importe quel son peut être utilisé comme élément d'une œuvre musicale a inspiré beaucoup de musiciens du XXe siècle. Que ce soit l'utilisation de klaxons par Gershwin dans Un Américain à Paris, ou de sirènes par Varèse, d'hélice d'avion par Antheil, de radio par Cage, ou de ces bruits et bien d'autres par le rock'n'roll dès les années 1970, ou plus récemment encore par la musique rap, le désir d'insérer les sons de la vie quotidienne dans l'oeuvre musicale s'est peu à peu répandu. aujourd'hui, le synthétiseur numérique permet de transformer ce désir en réalité pratique. Dans City Life, des bribes de conversation mais aussi des klaxons, claquements de porte, coups de frein, signaux sonores de métro, coups de marteau, alarmes de voiture, battements de cœur, sirènes de pompier ou de police, sont intégré à la structure de l'œuvre.

A l'inverse de mes précédents travaux, Different Trains (1988) et The Cave (1993), les sons préenregistrés de City Life sont exécutés en direct sur deux synthétiseurs numériques. Aucune bande n'est utilisée durant le concert. Ceci rétablit la faible variabilité de tempo, caractéristique de mes concerts, tout en élargissant le concept de piano préparé, puisque les sons, enregistrés par mes soins à New York, sont préalablements " chargés " dans les synthétiseurs numériques à clavier. ces duvers sons, qualifiés de non-musicaux, suscitent certaines réponses instrumentales : les bois répondent aux klaxons, les batteries aux claquements de porte, les cymbales aux coups de frein, les clarinettes aux sirènes de bateau et différents instruments aux mélodies parlées.

City Life est écrit pour deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes, deux pianos, deux synthétiseurs numériques, trois (ou quatre) percussions et un quatuor à cordes. Comme plusieurs de mes oeuvres précédentes, City Life possède une structure en arche selon le schéma A-B-C-B-A. Le premier et le dernier mouvement, qui contiennent des bribes de conversation comme élément de la structure musicale, apparaissent tous deux comme des mouvements rapides, bien que le tempo réel du premier mouvement soit modéré et que le tempo relativement accéléré du dernier mouvement soit plus difficile à percevoir en raison du grand nombre de sons prolongés. Les harmonies du chœur qui encadrent le premier mouvement, et dans lesquelles dominent le mi bémol ou le do mineur, réapparaissent dans le cinquième mouvement avec un phrasé plus dissonant, avant de s'achever en ut mineur lequel, de manièer ambiguë, conclut soit sur un accord de dominante en d'ut majeur, soit sur un accord d'ut mineur. Les deuxième et quatrième mouvements n'utilisent aucune bribe de conversation sous quelque forme que ce soit. A la place, chacun de ces deux mouvements s'appuie sur un modèle rythmique qui détermine le tempo : des coups de marteau dans le deuxième mouvement, des battements de coeur dans le quatrième. Après un début lent, la vitesse des deux mouvements augmente progressivement.

Dans le deuxième mouvement, cela s'explique par le fait que les coups de marteau passent successivement des noires aux croches et des croches aux triolets. Dans le quatrième mouvement, les battements de coeur s'accélèrent progressivement dans chacune des quatre sections du mouvement. Les deux mouvements, sur le plan harmonique, reposent sur le même cycle de quatre accords majeurs. Le début du troisième mouvement, central, n'est constitué que de bribes de conversation jouées par les deux synthétiseurs numériques. Quand ce duo s'est entièrement développé, les cordes, les vents et les percussions entrent alors en scène pour doubler la tonalité et le rythme des bribes de conversation qui s'imbriquent.

Il se peut que le mouvement central rappelle aux auditeurs certaines de mes œuvres précédentes, comme It's Gonna Rain (1965) et Come Out (1966).

Steve Reich,
février 1995.


Articles de presse

 
à l'occasion de la création

Création mondiale de City Life du compositeur Steve Reich à Metz

" L'Ensemble InterContemporain a réuni un large public dans la salle messine de l'Arsenal

Depuis qu'il a pris la tête de l'ensemble fondé par Pierre Boulez en 1976, le jeune chef américain David Robertson en a considérablement élargi le répertoire. Les musiciens parisiens jouent aujourd'hui Steve Reich. Après un concert à l'Arsenal de metz, l'Ensemble InterContemporain présentera City Life à Paris, à la Cité de la Musique. La nouvelle pièce de Reich accompagnera la création française de De Staat, du compositeur hollandais Louis Andriessen.


Il y a des années que Steve Reich ne joue plus avec les processus sonores, les déphasages, la stricte répétition de cellules rythmiques et mélodiques typiques des œuvres de ses premières années. Mais le qualificatif de " musicien minimal et répétitif " lui colle à la peau.

Sa dernière pièce, City Life (Vie urbaine), créée à l'Arsenal de Metz, mardi 7 mars, contredit sans embage cette réputation. Depuis le début des années 80, Steve Reich a d'ailleurs élargi le souffle injecté à ses compositions. L'architecture se dessine plus clairement, le sens mélodique et harmonique s'affirme. Un seul fragment de Desert Music, grande fresque pour chœur et orchestre (1982-1984), comparé à quelques minutes de Music for 18 Musicians (1976), fait entendre quelle a été l'évolution du musicien américain au tournant des années 80.

City Life, commande conjointe de l'Ensemble InterContemporain, de l'Ensemble Moderm de Francfort et du London Sinfonietta, est une pièce de vingt-six minutes conçue pour un groupe instrumental très " reichien " : deux pianos, deux synthétiseurs, trois percussions accompagnés de six vents et d'un quatuor à cordes. A ceux-ci s'adjoint un dispositif électronique diffusant en temps réel des " objets trouvés " sonores aux couleurs urbaines (sifflets, sirènes, klaxons). Cette technique, développée à l'IRCAM, s'offre une souplesse incomparable aux instrumentistes et au chef, qui n'est plus lié au défilement implacable d'une bande magnétique.

City Life est bien dans la lignée d'une certaine tradition musicale américaine célébrant la ville. Déjà Charles Ives faisait sonner les composantes sonores de New York ou de l'Amérique profonde, comme Samuel Barber dans son Knoxville ou Gershwin dans un Américain à Paris. Les " objets trouvés " portés par Reich au sein de sa polyphonie sont d'une évocation poétique merveilleuse. Dans la quatrième partie de City Life, des battements de coeur se mçelent à des sirènes de bateaux : émotion de la séparation, pression des départs sans retour.

Il faut une oreille, un oeil et une âme d'enfant pour aimer Steve Reich. Il faut aimer le long lai des développements sans limites, les voyages en train aux paysages invariables, les grands tableaux de Twombly où de simples inscriptions griffonnées s'ouvrent sur un monde secret, infini et abyssal. Il faut aussi un ensemble qui aime profondément cette musique. Depuis l'arrivée, en 1992, de David Robertson à la tête de l'Ensemble InterContemporain, le répertoire du groupe fondé par Pierre Boulez s'est considérablement élargi. Robertson ne répugne pas à diriger par ailleurs Donizetti ou Lalo, mais on devine que la majorité de ses musiciens ne " sentent " pas la musique pulsée de Reich, comme ils ne sentaient pas - et le faisaient assez clairement voir sur leurs visages - la musique de John Adams, lors du concert monographique que consacrait le Festival d'automne au musicien américain, en 1993. Remarquables de précision et de lyrisme contenu dans le Concerto Dumbarton Oaks d'Igor Stravinski ou le Concerto pour violon de Kurt Weill (avec l'excellente Jeanne-Marie Conquer en soliste), programmés en première partie de City Life à Metz, sont loin d'atteindre l'éclectique liberté du London Sinfonietta qui joue tout, de Ferneyhough à Michael Torke, avec un enthousiasme communicatif. Restent aussi à régler les équilibres entre l'électronique et les sons instrumentaux et à trouver le swing nécessaire. A ces quelques conditions, les concerts de la Cité de la Musique, à Paris, seront véritablement enthousiasmants. "
Vendredi 10 mars 1995.
Renaud Machard

à l'occasion de la sortie du premier enregistrement en CD

Le cri de la pomme

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" L'œuvre forte, très forte, de ce CD Reich est sans conteste City Life, qui date de 1995. Son urgence, sa gravité, sa puissance d'impact sur l'auditeur en font, à l'instar de Different Trains (1988), une étape musicale marquante de cette fin de millénaire. A 60 ans, le compositeur américain s'impose comme l'un des créateurs les plus représentatifs de son époque, une triste époque qui mérite cette musique brutale et terrible. Nombril du monde, la ville piège par excellence : New York. Les bruits quotidiens, si quotidiens qu'on ne les entend plus, comme des machines à enfoncer les pieux, des avertisseurs de bateaux, des sirènes de flics et de pompiers... Comme ceux des battements de coeur.

Contrairement à ce qui se passait dans Different Trains ou The Cave (1993), aucune bande n'est utilisée ici. Les sons préenregistrés sont joués en direct sur deux claviers à échantillons, d'où la souplesse accrue lors de leurs interventions.

Et puis des cris. Et puis l'horreur de l'attentat du World Trade Center. Tout se précipite. " C'est rempli d'fumée ", " Faites attention ", " Où vous allez ? ". Voix déformées, mutilées. Voici venu, pour Steve Reich, le temps de la compassion. (...) "

Télérama N°2452 - 8 janvier 1997
Xavier Lacavalerie



" A soixante ans, Steve Reich ouvre l'horizon du relatif systématisme de sa musique. Les patterns, les déphasages, les structures " tissées " laissent place progressivement à la mélodie, aux impuretés exogènes. New York la métisse est la base sonore de City Life, sublime pièce de vingt-trois minutes créée il y a un an par l'Ensemble InterContemporain, à l'Arsenal de Metz. Bruits de sirènes, de klaxons, de claquements de portes, bris et clameurs se mêlent à une riche et vibrante polyphonie qui ose les ruptures, les contrastes, les vrombissements d'une sirène de paquebot et des battements de coeur, ceux des " grands départs inassouvis " dont parle Jean de la Ville de Mirmont, le poète de L'Horizon chimérique de Gabriel Fauré. (...) "

Renaud Machard



Discographie


Versions intégrales :
Interprété par l'Ensemble Modern

Sur le même disque
 :
New York Counterpoint
Eight Lines
Violin Phase

2002 RCA/BMG
Compilation de remix.
Remixé par DJ Spooky.

Sur le même disque :
Eight Lines par Howie B
The Four Sections par Andrea Parker
Drumming par Mantronik
Music for 18 Musicians par Coldcut
Piano Phase par D*Note
Proverb par DJ Takemura
Come Out par Ken Ishii

1999 Nonesuch
Baccalauréat 1999

1998Nonesuch
7559-79430-2
Coffret de 10 CD. Disque n°10
Sur le même disque :
- Proverb par Theatre of Voices, des membres de The Steve Reich Ensemble, dirigés par Paul Hillier
- Nagoya Marimbas par Bob Becker et James Preiss

1997 Elektra Nonesuch
7559-79451-2
Sur le même disque :
- Proverb par Theatre of Voices, des membres de The Steve Reich Ensemble, dirigés par Paul Hillier
- Nagoya Marimbas par Bob Becker et James Preiss
1996Nonesuch
7559-79430-2


Extraits :
Exclusive Selection
Compilation japonaise du style " best of "
Check it out "

Sur le même disque :
- Clapping Music
- Extrait de Electric Counterpoint
- Extrait de Different Trains (America-Before the war)
- Extrait de Drumming (Part IV)
- Extrait de Sextet (5th Movement)
- Nagoya Marimbas
- Extrait de New York Counterpoint (Part I)
- Extrait de Music for 18 Musicians (Pulse-Section I-Section II)
- Extrait de The Desert Music (First Movement (Fast))
- Extrait de The Cave (Genesis XXI)
mars 1999Warner Music Japan