The Cave

 Synopsis
 Brève analyse
 Article de Michel Debroq - Le Soir (octobre 1993)
 Discographie




Synopsis

 

Extrait du livret de l'enregistrement (Nonesuch)

La Bible raconte qu'Abraham acheta une grotte à Ephron le Hittite, afin d'y enterrer sa femme, Sara. La grotte des Patriarches, ainsi qu'elle fut nommée par la suite, ne servit pas seulement de sépulture à Sara, mais également à Abraham et à leurs descendants. Selon des sources mystiques juives, la grotte est aussi le lieu de passage vers le jardin d'Eden. Enfin, on dit qu'Adam et Eve y sont enterrés.

La grotte possède également une grande signification religieuse pour les musulmans. Alors que les juifs sont descendants d'Abraham et de Sara à partir de leur fils Isaac, les musulmans fondent leur descendance d'Abraham à partir d'Ismaël, le fils d'Abraham et d'Agar, servante de Sara.

Située dans la ville à majorité arabe de Hébron, à l'ouest du jourdain, la grotte est aujourd'hui enclavée dans un secteur urbanisé et complètement inaccessible. Les vestiges des constructions qui l'ont surmontée témoignent d'une longue histoire de conflits d'appartenance. On découvre ainsi non seulement le mur que Hérode fit ériger autour de la grotte, mais aussi les ruines d'une église byzantine, et, enfin, la mosquée construite au XIIe siècle, qui a dominé le site depuis lors.

Depuis 1967, cette mosquée demeure sous juridiction musulmane, tandis que l'armée israélienne maintient une présence sur le site. Bien que les tensions y demeurent particulièrement fortes, le site reste un cas unique sur terre où, ensemble, juifs et musulmans viennent se recueillir.

The Cave est divisé en trois actes. Dans chaque acte, sont posées les mêmes questions à différents groupes de personnes : Que représente pour vous Abraham ? Que représente pour vour Sara ? Que représente pour vous Agar ? Que représente pour vous Ismaël ? Que représente pour vous Isaac ? Au premier acte, sont interrogés des Israéliens, au deuxième des Palestiniens, et au troisième des Américains.



Brève analyse

 

" Opéra-vidéo " co-signé avec sa compagne Beryl Korot, responsable des réalisations vidéo et de la conception multi-canaux (pour plusieurs écrans encadrant la création, indépendants les uns des autres).
L'absence de décor, l'absence de mise en scène réelle au profit d'une " réalisation scénique " orchestrée par Carey Perloff, l'absence de livret, l'absence de distribution ne permet pas de le considérer comme un simple opéra.

Il s'agit plutôt d'un spectacle multi-média d'un genre nouveau dans lequel aucune prééminence n'est accordée à l'un des aspects de l'oeuvre ; ainsi, sur la plaquette remise à chaque représentation, la conception vidéo et la musique figurent au même niveau.

En effet, même si la musique détient un pouvoir évident de séduction grâce, entre autre, au travail, familier chez Steve Reich, de l'itération et de la nomination, toutes deux génératrices de rythme,cette œuvre pluridisciplinaire basée sur des sources documentaires enregistrées, ne déploie toute sa force et sa beauté captivante qu'avec le support visuel indispensable.

Sur scène, une structure métallique pyramidale constituée de plusieurs châsses en registres s'offre à nous. A l'intérieur de celles-ci, des musiciens et des choristes prennent place alternativement, suivant une mise en scène précise et sobre, sous la direction musicale de Paul Hillier.
Cinq écrans vidéo de grande taille encadrant l'ensemble à la manière d'un polyptique mobile accentuent le cérémonial de la représentation.

Pour compléter ce dispositif scénique, des interprètes-scripteurs, placés devant des ordinateurs dactylographient sur leur clavier, au cours du spectacle, le texte de la Genèse édité simultanément en diverses langues sur les écrans pour signaler l'universalité de l'oeuvre et du propos. Cette frappe "en direct" orchestre ainsi de manière visuelle et sonore la représentation et en constitue le rythme basique à partir duquel la musique se déploie. Les mots et les noms (ceux d'Abraham, d'Isaac, d'Ismael...), de la sorte doublement générés par les tapuscrits envahissent alors l'espace et le son se donne à voir.

Ce spectacle admirablement bien agencé est le fruit d'un long travail initial, d'investigations, de rencontres multiples, de recherches théologiques et, bien sûr, de montage et de coordination afin de créer cette union si manifeste entre l'image et la musique discursive de Steve Reich découlant du langage parlé.

Les témoignages et les réponses apportés aux questions concernant Abraham, ancêtre légendaire commun, par les trois groupes respectifs, au cours des trois actes, constituent le matériau brut de l'œuvre entière . Ils ont été fragmentés, appronfondis, répétés pour former une base mélodique malléable, sorte de " portrait musical ", qui autorise les chevauchements et les entrelacs les plus complexes. L'intonation, les paroles des personnes interviewées et filmées en plan fixe, avec respect, forment donc l'ossature de l'oeuvre entrecoupée d'extraits congrus de la Genèse, du Midrash et du Coran. Ces bribes de propos sont ensuite systématiquement doublés, enveloppés , développés, nourris par l'orchestre pour accroître leur portée lyrique et universelle. Les réponses, souvent passionnées, nous montrent que la réalité et la culture des personnes interviewées d'une part, et ces épisodes légendaires relater par les Écritures d'autre part, sont liés de manière inextricable. Une équivalence s'établit entre les drames.

Steve Reich et Beryl Korot semblent vouloir réunir par le témoignage et la mémoire des peuples que l'histoire, les religions ont séparés.
Devant la persistance et l'actualité de ces questions, ils nous invitent à une réconciliation bien utopique mais si poétique.

Jean-Louis Vicente


The Cave
par Michel Debroq - Le Soir (octobre 1993)

 

Un échafaudage métallique occupe la scène, enserrant sur trois niveaux cinq grands écrans vidéo, ménageant diverses ouvertures pour les chanteurs et les musiciens, le niveau le plus bas offrant en son centre une cavité abritant le quatuor à cordes, deux pianos et quelques instruments de percussion. The Cave, fait référence à la grotte de Macphelah, à Hébron, où se situe selon la tradition le tombeau d'Abraham et de sa famille. C’est l’un des rares endroits au monde à être vénéré à la fois par les juifs et les musulmans, le lieu hautement symbolique où repose celui qui engendra à la fois les Arabes (par son fils Ismaël) et les Juifs (par son second fils, Isaac).

Que représentent pour nous Abraham, Sara, Agar, Ismaël, Isaac ? Chacun des trois actes de The Cave apporte différentes réponses à ces questions, à travers des témoignages recueillis auprès d’lsraéliens (le premier acte), de Palestiniens (deuxième) et d’Américains (troisième).

Musicalement, l'oeuvre tire essentiellement sa structure des intonations de la voix parlée, qui fournissent au compositeur tout un réservoir naturel d’éléments rythmiques et mélodiques : les instruments (cordes, bois, claviers, percussions) suivent les inflexions de la voix en un réseau de formules brèves tissant une trame continue dont la souplesse des enchaînements exige une mise au point parfaite. Cette technique vient bien sûr en droite ligne de celle déjà utilisée par Steve Reich dans une œuvre telle que Different Trains, alors que les interventions des voix chantées renvoient plutôt au style vocal de Tehilleem.

Visuellement, le montage vidéo réalisé par Beryl Korot privilégie avant tout le respect de la source originale : le visage des personnes interviewées apparaît à l’écran, alors que certains éléments du milieu dans lequel ils sont filmés, retravaillés par ordinateur, donnent naissance sur d'autres écrans à des images d’une authentique poésie. Le texte parlé est aussi visualisé (en anglais, français et allemand), l'amplification du clavier qui le tape donnant lieu en certains endroits à des séquences rythmiques d’un ordre particulier.

Outre son aspect “documentaire” évident (avec ses connexions religieuses, philosophiques et politiques), il émane de ce spectacle une émotion profonde, tant l’ouverture de sa marche à tous les niveaux témoigne avant toute chose du réel amour pour l’humanité qu’anime ses auteurs.




Discographie


Version intégrale :
Seule la version de The Steve Reich Ensemble, dirigé par Paul Hillier, de The Cave est disponible.

1995 Elektra Nonesuch
7559-79451-2
Extraits :
Coffret de 10 CD. Disque n°91997 Elektra Nonesuch
7559-79451-2
Exclusive Selection
Compilation japonaise du style " best of "
Genesis XXI

Sur le même disque :
- Clapping Music
- Extrait de Electric Counterpoint
- Extrait de Different Trains (America-Before the war)
- Extrait de Drumming (Part IV)
- Extrait de Sextet (5th Movement)
- Nagoya Marimbas
- Extrait de New York Counterpoint (Part I)
- Extrait de Music for 18 Musicians (Pulse-Section I-Section II)
- Extrait de The Desert Music (First Movement (Fast))
- Extrait de City Life (" Check it Out)
mars 1999Warner Music Japan